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La source d’informations quotidiennes sur l’énergie et le climat en France.
Par NICOLAS CAMUT
Avec AUDE LE GENTIL et ARTHUR NAZARET
Infos et tuyaux à partager ? Ecrivez à Nicolas Camut, Aude Le Gentil et Arthur Nazaret | Voir dans le navigateur
— Roland Lescure veut réconcilier EDF avec les gourmands en électricité.
— Un réacteur nucléaire dans une sucrière : cocktail explosif dans la Marne.
— Pas de délai pour les ombrières photovoltaïques sur les parkings.
Bonjour à toutes et à tous, nous sommes vendredi 19 avril. Votre infolettre se penche aujourd’hui sur les mini réacteurs nucléaires. L’eurodéputé macroniste Christophe Grudler, fervent défenseur du nucléaire à Bruxelles, revendiquait hier sur X plus de “300 candidatures, dont 80 françaises” pour l’alliance européenne du secteur, créée en février après un intense lobbying français.
Côté français, la filière est composée majoritairement de startups, et peut compter sur le soutien de l’Etat français, qui a débloqué 130 millions d’euros pour onze projets. Dont 32 millions pour Jimmy Energy, qui veut construire son premier réacteur de poche générant de la chaleur au milieu d’une usine sucrière. Un projet qui fait des inquiets — je vous en parle plus bas.
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NÉGOCIATIONS INTENSIVES. Roland Lescure réunit ce matin EDF et plusieurs fédérations d’industriels gros consommateurs d’électricité, dits électro-intensifs, à savoir France Industrie, France Chimie, l’UIMM, l’Uniden et le CLEEE. Le but : continuer à “mettre la pression sur EDF et les industriels”, près de six mois après l’accord entre l’Etat et l’électricien national, glisse son cabinet auprès de votre infolettre.
Impasse. La rencontre intervient alors que l’entreprise est engoncée dans des négociations difficiles avec les industriels afin de leur faire signer des contrats d’allocation de production nucléaire (CAPN) pour dix ou quinze ans.
Ces CAPN sont des “des accords industriels que les clients électro-intensifs auront la possibilité de souscrire en payant une avance en tête”, c’est à dire beaucoup d’argent, selon l’explication de Marc Benayoun directeur exécutif d’EDF, à des journalistes en novembre. Ces accords obligeront les industriels à un partage des coûts et des risques, puisqu’ils s’engagent sur la durée sans être certains d’être complètement servis en électricité.
Le temps presse. Dans le cadre de l’accord passé en novembre avec EDF, le gouvernement avait donné libre cours aux négociations pendant six mois avant de refaire un point. La réunion de ce matin “est donc un point d’étape en amont de la clause de revoyure”, résume un participant.
Sauf que les industriels sont réticents à s’engager : seules trois lettres d’intention ont été signées, “pour un total de 10 térawattheures”, selon Marc Benayoun, devant le Sénat. Aucun accord n’a été paraphé. “A ce stade, il n’y a pas encore d’éléments de convergence suffisants”, me confie un autre participant à la réunion, expliquant ce faible nombre.
Vi-si-bi-li-té. Les industriels cherchent à assurer leurs arrières en obtenant des garanties sur les volumes et le prix de l’électricité qui leur sera servie. “A l’arrivée c’est toujours la même chose : est-ce qu’on aura des contrats compétitifs assurés sur une durée suffisante ?”, lance un acteur du secteur. Il rappelle que les industriels “ne peuvent pas répercuter le prix de l’électricité sur leurs produits”, ceux-ci étant fixés sur les marchés mondiaux.
Contacté par votre serviteur, EDF ne fait (comme souvent) pas de commentaire.
A 11 heures 30, Roland Lescure, dans la foulée de l’échange avec les industriels, discute avec Luc Rémont, PDG d’EDF
A 12 heures, Roland Lescure enchaîne par un entretien avec Christine Goubet-Milhaud, présidente de l’Union française de l’électricité.
Assemblée et Sénat : vacances, encore !
JIMMY VS. JACKY. La startup spécialiste des petits réacteurs nucléaires (SMR) Jimmy Energy a engagé une “étude de faisabilité” en vue de construire un réacteur pour produire de la chaleur au sein d’une usine agroalimentaire à Bazancourt dans la Marne, indique par texto un porte-parole à votre serviteur. Un projet d’implantation qui inquiète déjà certains.
“Ambitieux”. Il s’agit d’un réacteur d’une puissance de 20 mégawatts thermiques, d’une durée de vie de 20 ans, qui permettrait d’éviter d’émettre “jusqu’à 700 000 tonnes de CO2”, selon la présentation faite par Jimmy fin mars devant le Haut comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire. La startup table sur une livraison en 2026, mais se dit “conscient[e]” que son calendrier est “jugé ambitieux par l’Autorité de sûreté nucléaire” (ASN).
Come to Daddy. Le réacteur serait installé dans un site qui produit des paquets de sucre Daddy et de l’éthanol et est classé Seveso. “Cet accouplement du nucléaire et de l’agroalimentaire Seveso seuil haut représente des risques qui mériteraient d’être examinés avant que quoi que ce soit ne soit fait”, alerte Jacky Bonnemains, directeur de l’association environnementale Robin des Bois. Il regrette le “manque de transparence” autour du projet.
Essuyer les plâtres. L’ installation serait une première française. L’occasion de mettre à l’épreuve l’acceptabilité de ce type de projets auprès de la population locale, alors que plusieurs autres startups planchent sur l’installation de ces réacteurs de poche d’un genre nouveau en France.
En terre inconnue. “Les questions de sécurité, de sûreté, d’acceptabilité n’ont certainement pas les mêmes réponses [que pour les plus gros réacteurs], d’autant que d’autres acteurs interviennent” dans la construction des SMR, avertissait Bernard Doroszczuk, président de l’ASN, devant les sénateurs, en janvier.
Pour la suite. “Conformément à la législation”, Jimmy prévoit de déposer une demande d’autorisation de création “d’ici la fin du mois” auprès du ministère de la Transition écologique, complète son porte-parole. S’ensuivra une “longue démarche d’instruction” par l’ASN.
OMBRIÈRES AU TABLEAU. Le ministre délégué de l’Industrie et de l’Energie a bien entendu la demande, mais ce sera non. Il n’y aura pas de nouveau délai pour installer des ombrières photovoltaïques sur les parkings de supermarché, comme le réclame la grande distribution.
“La loi industrie verte est déjà venue assouplir les délais d’installation prescrits en permettant au gestionnaire de parking de plus de 10000 m² d’installer ses panneaux d’ici début 2028 (contre début 2026)”, explique-t-on au cabinet de Roland Lescure.
Pourquoi réclament-ils un report ? Dans un communiqué puis sur France Info, Layla Rahhou, toute nouvelle déléguée générale de la Fédération du commerce et de la distribution s’est plainte de délais trop courts, de décrets en retard et surtout d’injonctions contradictoires. “On va devoir se fournir en Chine”, déplore-t-elle. Le monde de la grande distribution chiffre à 11 milliards d’euros les investissements nécessaires mais le lobby précise à votre infolettre qu’il ne demande pas d’argent.
Demande sans suite. La députée Aude Luquet (Modem), qui fut rapporteure du projet de loi sur l’accélération de la production d’énergies renouvelables, estime que la demande n’est pas réaliste : “Si nous devions reporter l’installation des panneaux photovoltaïques, il nous faudrait passer par la loi, ce qui me paraît compliqué”. Son collègue Maxime Laisney (LFI), auteur d’un rapport récent sur l’application de la loi, souligne néanmoins la responsabilité de l’Etat, qui tarde à publier les décrets.
Tombés dans le panneau (chinois). L’absence de filière française est un prétexte selon David Gréau, délégué général d’Enerplan, le syndicat de la filière solaire. “Nous avons des acteurs français déjà présents sur le territoire. Holosolis et Carbon commenceront à livrer en 2026 donc il n’y a pas de raison de retarder les échéances”, rappelle-t-il.
Où en est le décret ? Examiné en Conseil supérieur de l’énergie mardi dernier, le décret d’application de l’article 40 devrait donc être prochainement publié. Mais ce n’est pas forcément la raison de cette agitation, selon un lobbyiste du secteur énergétique : “Le lobby des supermarchés monte au créneau car la DG vient de changer et c’est un des sujets qui leur permet d’exister”.
ÉLECTRIFIER D’ABORD. Le programme de LR pour l’élection présidentielle prévoyait qu’il fallait “rénover à horizon 2040 les passoires énergétiques”, principalement en électrifiant les usages. L’isolation n’est pas non plus leur priorité au niveau européen, et François-Xavier Bellamy l’a rappelé mardi soir, lors du débat organisé par les Shifters.
“La vraie solution, c’est d’électrifier les chauffages et de produire de l’électricité décarbonée (…) L’Europe s’engage dans une seule option, le tout-isolation [mais] beaucoup d’études ont montré qu’à moyen terme, ça n’a aucun effet.”
Pas assez d’électricité. “On n’aura pas la puissance électrique nécessaire avant plusieurs décennies”, alerte Olivier Sidler, expert chez NégaWatt. Il complète : “Electrifier les chauffages pour mettre des pompes à chaleur partout sans isoler, cela impliquerait une surpuissance électrique de 13 à 15 gigawatts pendant les pics de consommation.”
Une isolation efficace. Il rappelle aussi qu’isoler un logement avant d’y installer une pompe à chaleur permet d’engranger des économies d’énergie et de gaz à effet de serre sans commune mesure avec le simple passage à un chauffage électrique, insistant sur le fait que “l’efficacité de l’isolation est mesurée”.
— “Nous observons depuis des années, comme nombre de nos concitoyens, le clivage entre annonces et (in)action publique.”, observent plus de 260 scientifiques dans une tribune publiée par Le Monde.
— Rejeter le règlement sur la restauration de la nature serait “dangereux” selon le ministre belge de l’Environnement, qui contredit son chef lors d’un entretien avec collègue bruxelloise Louise Guillot.
— Le Nouvel Obs imagine un agenda pour 2032 et après, où les citoyens sont invités à s’interroger sur ce dont ils ont vraiment besoin, et où est instaurée une compatbilité écologique.
Un grand merci à Judith Chetrit et notre éditeur Alexandre Léchenet.